Elisabeth à Descartes - La Haye, 24 mai 1645
Monsieur Descartes,Je vois que les charmes de la vie solitaire ne vous ôtent point les vertus requises à la société. Ces bontés généreuses que vous avez pour vos amis et me témoignez aux soins que vous avez de ma santé, je serais fâchée qu'ils vous eussent engagé à faire un voyage jusqu'ici, depuis que M. de Palotti m'a dit que vous jugiez le repos nécessaire à votre conservation. Et Je vous assure que les médecins, qui me virent tous les jours et examinèrent tous les symptômes de mon mal, n'en ont pas trouvé la cause, ni ordonné de remèdes si salutaires que vous avez fait de loin. Quand ils auraient été assez savants pour se douter de la part que mon esprit avait au désordre du corps, je n'aurais point eu la franchise de le leur avouer. Mais à vous, Monsieur, je le fais sans scrupule, m'assurant qu'un récit si naïf de mes défauts ne m'ôtera point la part que j'ai en votre amitié, mais me la confirmera d'autant plus, puisque vous y verrez qu'elle m'est nécessaire.
Sachez donc que j'ai le corps imbu d'une grande partie des faiblesses de mon sexe, qu'il se ressent très facilement des afflictions de l'âme, et n'a point la force de se remettre avec elle, étant d'un tempérament sujet aux obstructions et demeurant en un air qui y contribue fort ; aux personnes qui ne peuvent point faire beaucoup d'exercice, il ne faut point une longue oppression de cœur par la tristesse, pour opiler la rate et infecter le reste du corps par ses vapeurs. Je m'imagine que la fièvre lente et la toux sèche, qui ne me quitte pas encore, quoique la chaleur de la saison et les promenades que je fais rappellent un peu mes forces, vient de là. C'est ce qui me fait consentir à l'avis des médecins, de boire d'ici en un mois les eaux de Spa (qu'on fait venir jusqu'ici sans qu'elles se gâtent), ayant trouvé, par expérience, qu'elles chassent les obstructions. Mais je ne les prendrai point, avant que j'en sache votre opinion, puisque vous avez la bonté de me vouloir guérir le corps avec l'âme.
Je continuerai aussi de vous confesser qu'encore que je ne pose point ma félicité en chose qui dépende de la fortune ou de la volonté des hommes, et que le ne m'estimerai absolument malheureuse, quand je ne verrais jamais ma maison restituée, ou mes proches hors de misère, je ne saurais considérer les accidents nuisibles qui leur arrivent, sous autre notion que celle du mal, ni les efforts inutiles que je fais pour leur service, sans quelque sorte d'inquiétude, qui' n'est pas sitôt calmée par le raisonnement, qu'un nouveau désastre n'en produit d'autre. Et je pense que, si ma vie vous était entièrement connue, vous trouveriez plus étrange qu'un esprit sensible, comme le mien, s'est conservé si' longtemps, parmi tant de traverses, dans un corps si faible, sans conseil que celui de son propre raisonnement, et sans consolation que celle de sa conscience, que vous ne faites les causes de cette présente maladie.
J'ai employé tout l'hiver passé en des affaires si fâcheuses, qu'elles m'empêchèrent de me servir de la liberté que vous m'avez octroyée, de vous proposer les difficultés que je trouverai en mes études, et m'en donnèrent d'autres, dont il me fallait encore plus de stupidité que je n'ai, pour m'en débarrasser. Je ne trouvai qu'un peu devant mon indisposition le loisir de lire la philosophie de M. le chevalier Digby qu'il a faite en anglais, d'où j'espérais prendre des arguments pour réfuter la vôtre, puisque le sommaire des chapitres me montrait deux endroits, où il prétendait l'avoir fait ; mais je fus toute étonnée, quand j'y arrivai, de voir qu'il n'avait rien moins entendu que ce qu'il approuve de votre sentiment de la réflexion, et de ce qu'il nie de celui de la réfraction, ne faisant nulle distinction entre le mouvement d'une balle et sa détermination, et ne considérant pourquoi un corps mou qui cède retarde l'un, et qu'un corps dur ne fait que résister à l'autre. Pour une partie de ce qu'il dit du mouvement du cœur, il en est plus excusable, s'il n'a point lu ce que vous en écrivîtes au médecin de Louvain. Le docteur Jonson m'a dit qu'il vous traduira ces deux chapitres ; et je pense que vous n'aurez pas grande curiosité pour le reste du livre, parce qu'il est du calibre et suit la méthode de ce prêtre Anglais qui se donne le nom d'Albanus, quoiqu'il y ait de très belles méditations, et que difficilement on en peut attendre davantage d'un homme qui a passé le plus grand temps de sa vie à poursuivre des desseins d'amour ou d'ambition. Je n'en aurai jamais de plus forts et de plus constants que celui d'être, toute ma vie,
Votre très affectionnée amie à vous servir,
Elisabeth.
En relisant ce que je vous mande de moi-même, je m'aperçois que j'oublie une de vos maximes, qui est de ne mettre jamais rien par écrit, qui puisse être mal interprété de lecteurs peu charitables. Mais je me fie tant au soin de M. de Palotti, que je sais que ma lettre vous sera bien rendue, et à votre discrétion, que vous l'ôterez, par le feu, du hasard de tomber en mauvaises mains.
La següent carta de la princesa ens explica la dificultat de fer compatible el seu estat i les seves obligacions amb un interès ben personal d’autoformació. El seu judici desfavorable envers la pràctica mèdica és del tot coherent dels seus recels mostrats a cartes anteriors envers l’espiritualisme angèlic en el fons complementari i bessó del materialisme groller propi d’aquells metges. Allò que ella cercava és una altra cosa i la seva recerca determinarà el tarannà de les passions de l’ame. Malgrat tot és la postdata, allò que em sembla més interessant d’aquesta carta quan es mostra la consciència mostrada per la princesa de la necessitat de protegir l’escriptura, massa indefensa quan arriba als ulls de segons qui. Per a molts pot ser un advertiment retòric, però segurament aquesta coincidència amb Plató mostra al pretès pare de la modernitat molt més clàssic del que hom podria pensar.
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