Descartes à Elisabeth - Egmond, juin 1645
Madame,
Je supplie très humblement Votre Altesse de me pardonner, si je ne puis plaindre son indisposition, lorsque j'ai l'honneur de recevoir de ses lettres. Car j'y remarque toujours des pensées si nettes et des raisonnements si fermes, qu'il ne m'est pas possible de me persuader qu'un esprit capable de les concevoir soit logé dans un corps faible et malade. Quoi qu'il en soit, la connaissance que Votre Altesse témoigne avoir du mal et des remèdes qui le peuvent surmonter, m'assure qu'elle ne manquera pas d'avoir aussi l'adresse qui est requise pour les employer.
Je sais bien qu'il est presque impossible de résister aux premiers troubles que les nouveaux malheurs excitent en nous, et même que ce sont ordinairement les meilleurs esprits dont les passions sont plus violentes et agissent plus fort sur leurs corps ; mais il me semble que le lendemain, lorsque le sommeil a calmé l'émotion qui arrive dans le sang en telles rencontres, on peut commencer à se remettre l'esprit, et le rendre tranquille ; ce qui se fait en s'étudiant à considérer tous les avantages qu'on peut tirer de la chose qu'on avait prise le jour précédent pour un grand malheur, et à détourner son attention des maux qu'on y avait imaginés. Car il n'y a point d'événements si funestes, ni si absolument mauvais au jugement du peuple, qu'une personne d'esprit ne les puisse regarder de quelque biais qui fera qu'ils lui paraîtront favorables. Et Votre Altesse peut tirer cette consolation générale des disgrâces de la fortune qu'elles ont peut-être beaucoup contribué à lui faire cultiver son esprit au point qu'elle a fait ; c'est un bien qu'elle doit estimer plus qu'un empire. Les grandes prospérités éblouissent et enivrent souvent de telle sorte, qu'elles possèdent plutôt ceux qui les ont, qu'elles ne sont possédées par eux ; et bien que cela n'arrive pas aux esprits de la trempe du vôtre, elles leur fournissent toujours moins d'occasions de s'exercer, que ne font les adversités. Et je crois que, comme il n'y a aucun bien au monde, excepté le bon sens, qu'on puisse absolument nommer bien, il n'y a aussi aucun mal, dont on ne puisse tirer quelque avantage, ayant le bon sens.
J'ai tâché ci-devant de persuader la nonchalance à Votre Altesse, pensant que les occupations trop sérieuses affaiblissent le corps, en fatiguant l'esprit ; mais je ne lui voudrais pas pour cela dissuader les soins qui sont nécessaires pour détourner sa pensée des objets qui la peuvent attrister ; et je ne doute point que les divertissements d'étude, qui seraient fort pénibles à d'autres, ne lui puissent quelquefois servir de relâche. Je m'estimerais extrêmement heureux, si je pouvais contribuer à les lui rendre plus faciles ; et j'ai bien plus de désir d'aller apprendre à La Haye quelles sont les vertus des eaux de Spa, que de connaître ici celles des plantes de mon jardin, et bien plus aussi que je n'ai soin de ce qui se passe à Groningue ou à Utrecht, à mon avantage ou désavantage. Cela m'obligera de suivre dans quatre ou cinq jours cette lettre, et je serai tous les jours de ma vie, etc.
El bé suprem no és pas cap altra cosa que el bon sentit. Aquest és el fonament que permet la relativització de tot mal. Indiscutiblement aquí ressona l’estoicisme, però és un paradoxal estoïcisme que ha estat desmundaneitzat
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